FORUM SAINT-JOHN PERSE
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Forum de discussions du site Internet Sjperse.org. Discussions et réflexions à propos de Saint-John Perse et de sa poésie ; informations relatives à la diffusion de son oeuvre.
 
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 A propos de : VENTS

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Sophie
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Sjperse
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyVen 29 Déc - 23:22

Oui, sans doute ; il est néanmoins important de ne pas trop systématiquement chercher à opérer de rapprochements, surtout vis-à-vis de Claudel, dont l'inspiration est toute autre.
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Irmeyah




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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 30 Déc - 15:55

Sjperse a écrit:
Oui, sans doute ; il est néanmoins important de ne pas trop systématiquement chercher à opérer de rapprochements, surtout vis-à-vis de Claudel, dont l'inspiration est toute autre.
La question semble être à poser, cher M. Céry ... ils affirment chacun leur différence, certes ! Mais faut-il se contenter d'y croire ?
Reste que le vers de SJP semble accomplir le vers/verset claudélien ... D'ailleurs, autant Claudel adoptait un rythme impair (suivait-il Verlaine ?) autant on sait que SJP affectionne les rythmes pairs : on voit qu'en reprenant le verset poétique de type claudélien, SJP en même temps s'oppose à celui-ci (en bon "disciple", il va au rebours de son "maître", par une dialectique assez classique) en adoptant le pair.

Reste à savoir les relations strictement poétiques (intertextuelles, génétiques) entre les deux poètes. Pour cela je ne suis pas du tout spécialiste, mais je ne donne que mon avis de lecteur de Claudel (notamment Tête d'Or) et de SJP (Vents).
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 30 Déc - 19:52

Cher Irmeyah, en fait, les rapports intertextuels et poétiques Perse / Claudel constituent un "dossier" littéraire et critique déjà ancien et nourri de nombreuses études, très dévelopées, les liens de toutes sortes entre les deux poètes (relations d'une grande densité) ont donc été déjà amplement balisés (mais le sujet n'est certes pas encore épuisé) ; pour ce qui est des versets persien et claudélien, il est important de ne pas commettre de confusion, leurs options métriques étant bien différentes (Perse : verset dit "métrique" ; Claudel : verset dit "cadencé"). Je les ai exposées à titre générique, dans une étude qui a fait l'objet de la 4e séance du séminaire en ligne, et que vous trouverez en pdf à l'adresse suivante : http://www.sjperse.org/metrique.pdf
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Irmeyah




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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 30 Déc - 22:27

Merci pour ces ajustements !
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Olivier




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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyVen 6 Avr - 1:09

A propos de certaines images du dernier chant de Vents:

« … Nous avions rendez-vous avec la fin d’un âge. Nous trouvons-nous avec les hommes d’un autre âge ?...
« Nous en avions assez de ces genoux trop calmes où s’enseignait le blé...
« Nous en avions assez, Lia, des grandes alliances de famille...

C'est complètement anecdotique et sans grand intérêt, mais en (re)lisant le début du Grand Troupeau de Giono (livre très beau), il me semble qu'il y a un intertexte à chercher de ce côté-là (il faudrait tout citer, sans quoi ce n'est guère convaincant):

"Les cœurs se mirent à taper des coups sourds un peu plus vite. On pensait à cette nuit d'avant qui sentait trop le blé. Oui, trop le blé. Et quelle vague de dégoût à sentir cette odeur de blé, à voir les petits enfants dans les bras des femmes, toujours bien pleines de plaisir, sur leurs deux jambes; à comprendre tout ça, en même temps que les beaux hommes partaient dans le gémissement des chevaux."

enfin, je dis ça à titre d'hypothèse, sans doute est-ce davantage un imaginaire commun qu'une influence quelconque (quoique..). Bref, pour les amateurs des sources...
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Olivier




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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 1:04

M. Céry, à propos du titre Amers, je découvre l'équivalence amer/amour dans la langue médiévale. Il me semble évident qu'il y a là un jeu de feuilleté des significations, qui s'intègre tout à fait au goût de Perse pour l'énigme. Vous confirmez la piste? Même si je pense bien que cela a déjà été dit dans des commentaires divers, je ne l'ai pas vu ds les quelques textes consacrés à Amers que j'ai parcourus. J'ai même lu des réflexions riches qui, en évoquant le titre, se limitaient à la polysémie contenue dans l'homophonie amers/amer/mer/mère/ etc. C'est pourtant un titre suffisamment original pour receler une polysémie un peu plus subtile que celle-là... Voilà qui module personnellement ma vision du texte en tout cas. D'ailleurs, en faisant des recherches là-dessus, je suis tombé sur un extrait en l'occurrence très intéressant d'une version de Tristan et Yseult, peut-être était-ce un des éléments que Perse a eus à l'esprit avec ce titre. Je le reproduis:


Extrait du T&Y de Gottfried de Strasbourg, v.11986-12019 :


"Tristan dit à voix basse : "Ah! belle, dites-le moi, qu'est-ce donc, qui vous tourmente ? " Yseut répondit : "L'amer est mon tourment : c'est l'amer qui m'oppressse l'âme, l'amer qui me fait mal." Comme elle répétait si souvent l'amer, Tristan chercha avec soin ce qu'elle entendait par ce mot. Il put bien comprendre que l'amer signifiait l'aimer, l'amer, la mer. De ces trois significations, il en omit une et interrogea Y. sur les deux autres. Il omit l'aimer, leur seigneur à tous deux, leur commun réconfort, leur commun désir. Il ne parla que de la mer et de l'amer. "Je crois, dit-il, belle Yseut, que mer et amer sont votre tourment. Vous sentez le goût de la mer et du vent ; la mer et le vent vous sont amers. - Non, seigneur, non. Que dites-vous là ? Ni l'un ni l'autre ne me fait de mal ; je ne sens le goût ni du vent ni des flots. Seul l'amer me tourmente. " Quand Tristan fut venu à bout du mot et qu'il y eut reconnu l'amour, il dit à voix basse et secrète : "Par foi, belle, il en est de même pour moi : l'amer et vous, vous êtes mon tourment."
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 10:33

Alors, non seulement je confirme, mais je vous félicite de surcroît pour l'intuition et la référence, très bien trouvée. Il est certain que le goût de la polysémie et du cryptage joue ici chez Perse, sur une ouverture du titre lui-même, comme ce fut le cas dès le premier recueil du poète d'ailleurs. Et remarquez bien que lui-même insiste dans la notice concernant Amers dans ses Oeuvres complètes, sur l'acception technique (maritime) du terme "amers", en laissant en somme ouvert le champ de la polysémie potentielle, à partir du sens littéral. Bien entendu, la position centrale d' "Etroits sont les vaisseaux", le plus vaste chant d'amour de la poésie moderne, confère à cet aspect d'équivalence (amer/amour) une importance particulière. Et le plus étonnant, quand on dévoile ces différentes acceptions, est de s'imaginer que tout cela est fait consciemment : comme dans un palimpseste, les différents sens sont présents sous le littéral, et agissent comme en sourdine. Et toute l'achitecture repose sur l'ensemble conçu de cette façon : le littéral et le figuré compris même dans l'annonce générique que constitue le titre d'un poème.
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 20:38

Tout à fait! Merci pour votre confirmation. Je ne savais pas qu'il y avait quelque chose de crypté dans Eloges, pouvez-vous m'éclairer?

Sinon, je suis tombé par hasard sur une très courte émission consacrée à l'ensemble de l'oeuvre de Saint-John Perse qui peut intéresser éventuellement les agrégatifs (il y a une lecture critique de l'ouverture de Vents). Elle m'a surtout plu pour la lecture extrêmement originale et belle de certains extraits. En revanche, puisqu'on en parle, encore une analyse du titre d'Amers qui passe justement à côté de l'épaisseur sémantique. Je reproduis le lien, il suffit de cliquer sur l'émission consacrée à Perse.

http://www.fdlm.org/fle/hll.html
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 21:27

Oui, merci pour le lien ; l'appréhension de l'oeuvre est limitée néanmoins, et souvent folkrorique, pour le dire vite... C'est assez déclamatoire et boursouflé, et très drôle, dans le fond (comme le sont tous ceux qui se croient obligés de se mettre dans un état faussement inspiré pour parler de poésie)...

Je vais, pour répondre à votre interrogation, procéder à une sorte de devinette, que n'aurais pas reniée la Céleste de Proust... Alors, question : comment traduiriez-vous l'exergue d'Eloges : "King light's settlements" ?
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 21:51

Oui, le ton est vraiment amusant. Mais personnellement, j'ai quand même sincèrement apprécié l'originalité de la lecture. Alors en revanche, je dois vous avouer que j'ai beau tricher comme un forcené, je ne trouve que l'article sur "Atlanta et Allan P.", qui indique avec gentillesse qu'on a là un hypogramme. A vrai dire je ne sais meme pas ce que c'est: je remets donc ma langue à Ulysse (le moustique). Je me dis que c'est sans doute au moins un aveu de la teneur autobiographique du recueil (via une petite autoglorification assez jolie), mais ça me semble un peu faible pour notre coco, comme dirait le Bloch de Proust.
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 22:10

Comme quoi tous les goûts sont dans la nature en matière de lecture : celle-ci me fait bien rire...

Pour l'article : http://www.sjperse.org/m.chehab.htm (vous le retrouverez dans quelques jours dans le troisième numéro de la revue). Pour tout vous dire, je n'y crois pas. Il semblerait plutôt qu'il s'agisse de dédicataires réels, mais non encore identifiés ; c'est ce qui m'a été assuré par des gens qui ont fréquenté Perse à la fin de sa vie...

Alors, vous séchez pour Eloges ? Vous ne m'avez pas répondu...
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 22:18

Si, c'était à propos de ce titre que je parlais d'autoglorification! sans conviction...
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 22:20

Mais vous traduisez comment, cette exergue ?
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 22:23

vous savez, moi et l'anglais... origines de la lumière du roi ou une horreur de cette espèce?
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 22:29

J'apprécie, "une horreur de cette espèce"... Je suis affreux, à vous faire chercher ainsi...

"Les colonies du roi Lumière". Certes... C'est déjà très poétique en soi, et si conforme à la thématique même d'Eloges. Oui, mais voilà : en anglais, "light" signifie à la fois "lumière" et "léger"... Les colonies du roi lumière deviennent donc "Les colonies du roi Léger" : c'est-à-dire lui-même, ou plus exactement, la célébration de son "royaume d'enfance", pour parler comme Senghor... La chose renvoie à un jeu présent dans le titre, puisque par extension, "Eloges" est l'anagramme de "Léger"... Le cryptage, toujours, comme dans le pseudonyme lui-même...
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptySam 7 Avr - 22:56

Excellent! Très fort. C'est de la mystification de qualité, je dois dire... Merci pour cet éclairage. J'étais parti sur "King's light", d'où, grâce à ma solide connaissance de la langue anglaise, mon hypothèse, d'une acuité rare il est vrai. Merci pour cet éclairage en tout cas. Je ne sais pas si personnellement j'irais jusqu'à voir Léger dans "Eloges", par contre, parce que le mot est suffisamment dense, mais c'est plausible il est vrai. J'apprécie beaucoup ce côté "cryptophile" de Perse! C'est intéressant que vous mentionniez la formule de Senghor, j'ai toujours lié intuitivement l'univers d'Eloges à celui de Senghor (j'ai lu d'abord Senghor), et c'est vrai que Senghor a dû s'inspirer beaucoup de ce texte. D'ailleurs, il me souvient d'avoir lu je crois un article de vous sur le rapprochement entre ces deux grands poètes. Ce serait l'occasion de raviver la vieille comparaison avec le surréalisme, parce qu'elle est bien palpable chez Senghor.
Bref en tout cas, devant votre aptitude à décrypter tous ces exergues hiéroglyphiques, je vais voir si je trouve d'autres expressions énigmatiques à vous soumettre!
Amicalement
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Irmeyah




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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyDim 8 Avr - 16:33

A propos de cryptologie ... Quelqu'un peut-il me décrypter ce qui est pour moi le verset le plus énigmatique de Vents, en tout cas celui qui a resisté le plus à mes analyses, moi qui suis pourtant d'une imagination souvent délirante et volontiers fantasmatique ...
... Le 3e verset de la page 26, avant dernier de I, 6.

Merci d'avance !
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyDim 8 Avr - 23:24

Cher Irmeyah, en vérité, il ne faut justement pas être d'une imagination délirante ni fantasmatique pour appréhender les images utilisées par Perse. Il vaut mieux les rattacher au contexte de sens qui conditionne chaque chant - en l'occurrence, pour Vents -, et ce qui apparaît de prime abord comme purement gratuit, s'avère en réalité d'une implaccable rigueur. C'est ce qui fonde la beauté de ces images.
Ici, le chant 6 de cette première section de Vents s'achève sur une sorte d'evanescence de l'être recherché par le monde, après cette quintessence de l'énergie célébré précédemment dans ce chant. La dernière strophe (p. 25-26) consacre, en une progression remarquable, cet évanouissement de l'être des choses, à travers le triomphe du "silence", de l' "écart" (qui m'est cher) et de l' "oubli". Le troisième verset qui vous tourmente tant représente un peu le sommet de cet évanouissement, de cet effacement, et il faudrait pour le percevoir, être attentif à cette sorte d'isotopie qui ne cesse, en ce sens, d'y être appuyé :

"... Jusqu’à ce point d’eaux mortes et d’oubli, en lieu d’asile et d’ambre, où l’Océan limpide lustre son herbe d’or parmi de saintes huiles – et le Poète tient son œil sur de plus pures laminaires"

Tout signifie (très rigoureusement, j'y insiste), cette fragilité et cet effacement, après les accents éminemment énergiques parcourus dans les pages précédentes (et voyez bien cette sorte d'épuisement du parcours : "Jusqu'à", repris pour chaque verset). Les eaux sont mortes et marquent l'oubli, l'asile est présent, ainsi que l'ambre (pour sa transparence), l'Océan qui autre part est le lieu de toutes les fureurs, est limpide et draîne de saintes huiles. Mais le Poète, soucieux de conserver une attitude de vigilance constante, va s'opposer à cette fuite de la présence du monde, et reste attentif aux laminaires, ces algues qui demeurent accrochées aux rochers, coûte que coûte (rappelez-vous Césaire et son Moi, laminaire).

Vous constaterez également que le chant suivant s'accorde comme en une tout aussi rigoureuse chronologie, à cet évanouissement général, contre lequel il s'agira de se dresser, car :

"les tentations du doute seraient promptes
Où vient à défaillir le Vent… Mais la brûlure de l’âme est la plus forte,
Et contre les sollicitations du doute, les exactions de l’âme sur la chair
Nous tiennent hors d’haleine, et l’aile du Vent soit avec nous !"

Rigueur du sens et de son déploiement, comme toujours chez Perse. Ne perdez pas de vue la structure interne du poème, pour creuser le sens de la moindre image utilisée dans cette très subtile économie.

Bien à vous, Loïc Céry
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyLun 9 Avr - 12:31

Cher Loïc,

Merci beaucoup ... mais il me semble que je dois m'être trompé dans la référence, puisque mon questionnement porte plus précisément sur "l'avant dernier verset" p. 26, qui dans mon édition nrf, est le troisième de la page*. Malgré vos précisions sur le dernier verset, le pénultième reste pour moi énigmatique. Mais rassurez-vous, le dernier ne l'était pas tant !

*"Jusqu'à ce point d'écart et de silence ... (l'énigmatique vient surtout dans la suite du verset)"

Merci d'avance à nouveau !
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyLun 9 Avr - 15:27

Alors, tout d'abord, vous aviez raison pour la référence : c'est moi qui me suis trompé. Le verset que vous désignez relève pleinement de cette même acception dont je vous ai parlé, à savoir celle d'une évanescence de la présence du monde et de l'énergie précédemment conquise. Je suppose que cela ne vous échappe pas pour ce qui est du "point d’écart et de silence" que j'avais déjà mentionné. J'imagine donc que ce qui vous pose problème est bien "où le temps fait son nid dans un casque de fer – et trois feuilles errantes autour d’un osselet de Reine morte mènent leur dernière ronde." Le temps arrêté dans ce "casque de fer" - si conforme aux temps de conquête qui seront chantés plus tard dans le poème : les casques des conquistadors, casques de fer en effet - désigne bien cet arrêt de la marche, cette intrusion du néant dans la saisie de l'énergie, sous le motif du temps qui prend en somme ses assises propres dans cette métonymie de l'action que constitue ce casque. Tout cela est conforme avec l'isotopie que j'avais désignée précédemment. Quant aux "trois feuilles errantes autour d’un osselet de Reine morte [qui] mènent leur dernière ronde", l'image me semble procéder à une référence interne, avec la haute figure de la Reine qui intervenait dans le cycle de La Gloire des rois : dans les différents chants de "Récitation à l'éloge d'une reine", une véritable chronique dynastique s'était instituée autour du rôle de cette reine exténuée et qui, ici, est désignée comme "morte". La piste me paraît intéressante, mais en tout état de cause, même indépendamment de cette caractéristique éventuelle d'autoréférentialité, l'épuisement d'une sorte de fin de règne me semble accompagner "directement", par l'élément de cette "Reine morte" en tant que tel, le thème général de la décrue, de l'extinction qui se joue dans ces versets, "Jusqu'à ce point" d'une invasion intégrale de la vacuité en tout. Les feuilles sont errantes, le lieu désigne presque une relique ("osselet de Reine morte"), la néantisation fait son office.

Vous voyez, donc rien d'énigmatique, mais une volonté de faire ressentir de manière extrèmement fine la sensation très forte de cet évanouissement. L'isotopie est très nourrie, les éléments vont tous dans le même sens (c'est d'ailleurs le propre d'une isotopie), en y apportant pour chacun d'entre eux une variété particulière.
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyLun 9 Avr - 19:07

Merci pour cet éclairage !
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyMer 11 Avr - 19:16

Scoop sur Vents: des infos exclusives sur le "Ramier migrateur" (II, 1).
Les agrégatifs seront sûrement intéressés de connaître la tragique histoire de ce pigeon. Perse le rebaptise d'ailleurs déloyalement Ramier pour ne pas affronter la douce sonorité du mot pigeon, ce qui constitue, sachez-le, une entorse grave à la rigueur scientifique.
Tout d'abord la tourte voyageuse, de son joli nom, était une migratrice très persienne. Je pense par conséquent qu'on peut affirmer, sans trop extrapoler, que Perse se construit là un èthos de Ramier, ce qui posera sans doute certains problèmes à la critique. En tout cas, le malheureux Ramier migrateur est un " Ectopistes migratorius " comme on n'en fait plus. Car cette jolie tourte, aux ailes bleues effrangées de blanc, à la bedaine fauve et aux yeux langoureux (rien à voir avec le truc parisien qu'on appelle pigeon) est une espèce qui s'est éteinte en 1914, décimée par la pollution, la chasse et la déforestation.
Splendeur et décadence du pigeon: l'espèce, endémique des Etats-Unis, fut pourtant au XIXème siècle la reine du ciel. Des nuées de "Passenger Pigeons" (c'est toujours notre Ramier-tourte) assombrissaient le ciel lors des grandes migrations. La littérature américaine en fait abondamment mention. Mon petit livre sur Audubon indique que, selon les évaluations des scientifiques, les nuées les plus denses pouvaient atteindre deux milliards (!) de pigeons. Jolie bande, et connivence avec la très belle image en II, 4 des "vols d'insectes par nuées". Malheureusement, nos Ramiers ont été exterminés en moins d'un siècle. (50% des espèces d'oiseaux sont d'ailleurs aujourd'hui menacées de disparition imminente. Audubons de tous les pays, unissez-vous urgemment pour sauvegarder la mémoire de nos amis ailés).
Triste histoire, qui démontre bien que lorsque Perse décide de ressusciter les espèces disparues, il ne triche pas. Car personne ne peut manquer de savoir que le "Grand Auk" est lui aussi une espèce disparue (de pingouin), de même que le courlis esquimau ("Courlis boréal"). Pour plus d'éclaircissements sur la façon d'apprendre à voler, voici un site très complet sur les oiseaux peints par notre ami Audubon.

http://www.mcq.org/audubon/catalogue/index-fr.html[b]

Ma conclusion sera brève et incisive: rien que pour avoir ressuscité un pigeon, un courlis et un pingouin, Perse méritait bien le prix Nobel.
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyMer 11 Avr - 23:27

M.Céry, à propos d'oiseaux, comment faut-il comprendre le passage magnifique sur l'oiseau Anhinga? Je comprends facilement l'enthousiasme de Perse devant la beauté intrinsèque de l'intéressé (cf le lien, supra), mais je ne sais pas comment interpréter l'appellation "dinde d'eau des fables" et le bref développement qui suit. Encore une énigme, pour le coup?
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Olivier




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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyMar 17 Avr - 21:19

Décidément, Saint-John Perse est apprécié. Commenter du Jean-Pierre Richard, en revanche, ça relève un peu de la gageure. Personnellement, j'ai du mal à investir le propos d'une signification un tant soit peu cohérente. Et toujours un style étincelant de balourdise pseudo-lyrique, c'est assez atroce je trouve, mais enfin...
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MessageSujet: Re: A propos de : VENTS   A propos de : VENTS - Page 2 EmptyMar 17 Avr - 23:27

En cela je serais assez prêt à vous suivre... Mais tout de même, le sujet avait une certaine portée ; le problème provient d'une formulation, comme vous l'avez dit, très alambiquée, et d'un point de vue assez difficile à cerner. J'en dirai un peu plus dans quelques jours (à l'attention des agrégatifs qui y seraient intéressés), le temps pour moi de m'acquiter de deux conférences irlando-persiennes assez prenantes : http://www.fabula.org/actualites/article18333.php

J'en profite pour vous dire que votre question à propos de l'Anhinga est CENTRALE, figurez-vous, mais j'ai peur d'être trop lacunaire justement pour y répondre trop rapidement. L'essentiel est pour l'heure de vous dire ceci : cette mention est absolument primordiale pour qui veut pénétrer les nuances de ce fameux attanchement au réel dont nous avons déjà tant parlé, et qui m'est très cher comme vous le savez... Alors voilà : en considérant l'Anhinga, Perse prend en compte (je vous le dis surtout en ayant constaté de votre part un certain intérêt ornithologique) une espèce extrèmement rare dont il ne subsiste que quelques spécimens en Floride (vous voyez encore : toujours cet intérêt pour les espèces menacées parce que rares...). Or, figurez-vous que pour l'ornithologie, cet oiseau présente la particularité d'un squelette encore très proche de l'époque préhistorique où les oiseaux provenaient "fraîchement" des reptiles. Il s'agit de l'une espèces les plus anciennes d'oiseaux qui subsistent à ce jour sur la planète ; c'est donc, un peu, pour le monde des oiseaux, ce que les rhinocéros par exemple sont pour le monde des mammifères. De cette proximité aves les reptiles, l'Anhinga (vous en trouverez des illustrations chez Audubon) a gardé un coup d'une longueur à peine croyable, qui se tort comme s'il s'agissait d'un serpent (en anglais, on le nomme poue cela le "Snake Bird"). Il est donc question d'un oiseau dont on pourrait croire qu'il provient d'une fable, qu'il relève plus du mythe - d'où la "dinde d'eau des fables". Et Perse ici insiste volontairement sur cet aspect pour souligner à quel point le réel est encore plus "merveilleux" que ne peut l'être la fable. Or, figurez-vous que justement, cet oiseau, avec l'Annaô, a précisément été contesté dans son existence, par des critiques qui voulaient faire passer Perse poyr un poète de chimères... Saillet en tête... D'où sa défense et illustration de l'existence effective de ces espèces, que vous trouverez dans les lettres à Caillois et Paulhan, auxquelles je fais allusion dans mon article sur l'annaô (http://www.sjperse.org/annao.pdf). Et pourtant, pour tout lecteur lambda, il s'agissait simplement de faire confiance au poète quand il dit de cet oiseau réel et merveilleux néanmoins, que son "existence n'est point fable, dont la présence m'est délice et ravissement de vivre - et c'est assez pour moi qu'il vive"...
A bientôt, et bien à vous Loïc Céry
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