ontologie et renouement

J'ai honte de poser une question qui va vous paraître fort simpliste (et je comprendrai tout à fait que personne n'aie le courage d'y répondre..) mais voilà, après de multiples lectures critiques, je ne comprends toujours pas ce que signifie le "renouement" chez Perse, ni en quoi consiste sa conception "ontologique" de la poésie. Tout ce que j'ai pu lire me semble très vague ou peut être trop complexe...

Pourquoi donc voulez-vous que votre question soit décourageante ?

- Le "renouement", pour être direct, éviter toute complexité et ne pas être vague : dans la poésie de Saint-John Perse, sorti de l'enfance évoquée dans Eloges, la plénitude de l'être est perdue et il s'agit de la recouvrer. La période de l'exil américain (dont est issu Vents) renforce chez le poète ce sentiment d'une perte de l'unité et de l'intégrité de l'existence et de l'être. Quand il parle de "renouement", dans l'inspiration de Plotin, ce sera dans la perspective d'une reconquête de cette plénitude : à proprement parler, il s'agit de "renouer" les pans épars de l'existence, de renouer l'être dans sa pleine mesure. La poésie, "mode de vie intégrale" comme il le dit dans le Discours de Stockholm, est une voie magistrale de recouvrement de cette unité perdue. Le renouement, c'est celà même, élargi à l'homme en général.

- A propos de la dimension ontologique de la poésie de Perse : "Toute poétique est une ontologie" dit-il encore dans ce Discours de Stockholm. La poésie est liée à la saisie de l'être, c'est là sa vraie dimension chez Perse. Je ne peux que vous encourager à suivre la communication de Colette Camelin dans le dvd des journées Saint-John Perse du Lucernaire (y étiez-vous ?), qui sort dans deux jours - j'en ferai l'annonce spécifique - : elle y a consacré tout son propos, dans une contribution intitulée "L'ontologie dans Vents".

Voilà, pour vous répondre succinctement. Mais peut-être désirez-vous d'autres éclairages ?
Loïc Céry

Merci beaucoup pour votre prompte réponse !!
En effet, je comprends mieux ce que Perse entend par le "renouement", en gros, retrouver la plénitude originelle de l'être, celui de l'enfance aux Antilles,et quête de cette plénitude élargie à l'Homme. (finalement, c'est un peu la même quête que celle de Claudel, sauf que ce dernier pense que c'est par Dieu que l'homme atteint à sa plénitude, non ? )
En ce qui concerne l'ontologie, j'irai consulter le dvd (je n'étais pas aux journée SJP) de Colette Camelin, mais j'ai déjà lu l'Atlande dont elle est co-auteur, et justement, c'est de là qu'est née mon interrogation sur la notion d'ontologie...Finalement, je m'y perds : est-ce un concept éthique, philosophique ? Les deux ? J'ai pourtant lu de nombreux critiques sur SJP, et finalement, j'ai l'impression que plus je lis de critiques, moins je comprends l'oeuvre...
Du coup, je me replonge dans le texte même de Perse, j'y verrai sans doute plus clair...

En fait, il faut prendre le terme d'ontologie à propos de Perse, simplement comme la désignation de ce rapport à l'être. Il s'agit donc d'une dimension philosophique de sa poésie, clairement. Mais il ne faut pas se poser de problèmes de nomenclature de ce genre, pour mieux se concentrer à mon sens, sur la dimension propre de l' "être" tel qu'il est conçu par Perse : pour aller vite, Saint-John Perse est du côté des Présocratiques, pour concevoir l'être dans une idée de flux et de mouvement - s'opposant à une acception fixiste, qui serait celle d'Aristote. Vous retouvez cela dans les oeuvres du programme, qu'il s'agisse de Vents ou par exemple de "Séchesesse" ("Ô mouvement vers l’Etre et renaissance à l’Etre !").