FORUM SAINT-JOHN PERSE
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 les couleurs

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2 participants
AuteurMessage
alice

alice


Nombre de messages : 8
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MessageSujet: les couleurs   les couleurs EmptyDim 15 Oct - 22:54

Bonjour à tous,
Je m'interroge sur la symbolique des couleurs chez SJP car le recueil ne cesse de noter des nuances de couleurs variées : violet, jaune, noir, rose, rouge etc...
Pourrait-on parler d'une esthétique picturale ?
Si je lis certains passages, j'ai l'impression de voir un tableau :
ex : "Une seule et lente nuée claire, d'une torsion plus vive par le travers du ciel austral, courbe son ventre blanc de squale aux ailerons de gaze" (Chronique I)
Qu'en pensez-vous ?
Alice
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Sjperse
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Sjperse


Nombre de messages : 323
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Date d'inscription : 12/08/2006

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MessageSujet: Re: les couleurs   les couleurs EmptyLun 16 Oct - 8:43

Bonjour à vous ; en espérant que vous trouverez là quelques éléments intéressants, je me permets de vous indiquer une réponse que j'avais adressée à "Fata Morgana", à propos de la même question qui avait été posée (les couleurs, dans Chronique tout particulièrement). La voici ; vous pourrez la retrouver sur la page suivante : https://sjperse.1fr1.net/viewtopic.forum?t=21&postdays=0&postorder=asc&start=15


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Vous avez raison d'attirer l'attention sur cet aspect coloré, important dans la symbolique d'ensemble du poème. Voici les perspectives que je vous propose à ce sujet.

Il est important, à mon sens, de réserver à ces mentions des analyses individuelles fines, car comme cela ne vous étonnera pas (vous commencez à y être habituée), tous les détails ont une grande importance dans l' "économie" particulière de chaque chant. Donc il est utile, à mes yeux, dé décrypter chacune de ces mentions de couleurs dans le contexte propre de leur déploiement, venant renforcer bien souvent telle isotopie particulière, telle métaphore, que sais-je...

Mais globalement, ce foisonnement chromatique a avant tout une fonction bien particulière. Vous pourrez constater que beaucoup de détails de couleurs sont rattachés au ciel. Je l'ai dit, Chronique, tel que le nom du poème l'indique (et notamment son étymologie) est une réflexion sur l'unité du temps, en fin de vie. Recherche d'une unité, sous la diversité des temps d'une vie humaine. Le poème situe cette recherche en un moment particulier, qui est donc celui de la fin de vie, mais cette volonté de situer se vérifie aussi dans l'espace. Tous les détails qui y concourent sont donc à considérer dans cette optique d'un ancrage de l'espace ou des espaces considérés, dans la situation contemporaine du poème, ou convoqués par la réminiscence ou le songe. Les couleurs en sont des éléments actifs. Et il ne s'agit pas du paysage de l'enfance qui est tout d'abord visé : vous avez eu raison d'y déceler avant tout le paysage provençal, que l'on peut reconnaître par plusieurs aspects, mais notamment, justement, ces couleurs caractéristiques, surtout celles du ciel. On peut penser à la Camargue (que Perse connaissait bien), avec les espèces animales décrites (avec leurs couleurs propres : voyez les "grues"), ou encore la Provence de l'arrière-pays... En tout état de cause, les couleurs du couchant aux chants I et II sont tout à fait caractéristiques de ces couchers de soleil provençaux si colorés, au ciel si changeant et si riche... Il s'agit non d'un crépuscule, mais d'une braise, d'une ardeur, d'une intensité qui sont visées par cette gamme chromatique qui s'étend du rose pâle au rouge vif. En ce sens, les couleurs de Chronique sont avant toute chose celles d'un ancrage dans un espace donné, et c'est l'espace provençal. Il ne faut pas penser en l'occurrence, à l'espace de l'île natale : ça, c'est le territoire d'Eloges (et ce, même si l'enfance est évoquée dans le poème).

De manière plus générale, je vous dirais aussi que les couleurs chez Perse, ne sont pas de simples attributs des objets perçus. D'une certaine façon, elles en induisent l'essence, par leur nature de réfraction de la lumière et, par conséquent, d'indices de l'énergie intrinsèque des choses désignées.

Je vous propose maintenant une typologie de cette game chromatique de Chronique ; vous me direz si vous l'approuvez...

Le noir
Plusieurs critiques ont proposé à propos de Saint-John Perse ce que Gilbert Durand (l'auteur des Structures anthropologiques de l'imaginaire) nomme une "sémantique de la couleur". Pour ma part, je suis très attaché à celle que Nicolas Castin a proposé dans son ouvrage Sens et sensible en poésie moderne et contemporaine, où il dit ceci par exemple à propos de l'usage du noir chez Perse : "Le noir connote fréquemment une intensité vitale exacerbée". Pensez alors à cette mention du chant IV de Chronique :

"(...) dans ce bout de châine luisante, sous l'orage, qu'élève, corne haute, la lourde bête noire portant bourse de cuir..." (p. 94)

Le fait de mentionner la couleur de cette "lourde bête" qui est le centre de l'image renforce de façon significative l'intensité, la fulgurance de la scène évoquée ici dans la saisie du mouvement de cette bête qui soulève une chaîne, comme pour se libérer (procédé dont j'ai parlé hier dans une réponse, de la "visualisation imagée"). Dans cette optique, la couleur ne répond pas ici à une quelconque fonction ornementale, mais fixe au contraire la brutalité, la force organique de cette bête, un peu comme en une apparition vive de la figure du Minotaure tant prisée par Picasso dans ses gravures. Elle est, cette couleur, l'auxiliaire le plus immédiat, le plus efficient de l'intensité de la scène décrite ici. D'aileurs, si vous y êtes attentive, la mention ne peut manquer de vous évoquer une autre image tout aussi saisissante et dans laquelle la couleur, la violente teinte noire, joue le même rôle d'indice d'intensité. Il s'agit d'un passage de la sixième laisse du chant III (et qui sait si l'écho n'est pas préparé, vers l'image que je vous ai cité précédemment ?). Je vous précise, pour la petite histoire, que ce passage (comme tant d'autres chez Perse, si vous saviez) provoque en moi un soulèvement d'extase tout proche de l'hystérie, croyez-moi sur parole :

"Et nous étions peut-être en mer ce jour d'éclipse et de première défaillance quand la louve noire du ciel mordit au coeur le vieil astre de nos pères."

Evocation ouvertement métaphorique d'une éclipse solaire qui est exemplaire de ce procédé de visualisation, d'incarnation par l'image, primordial selon moi dans l'esthétique persienne. Cette "louve noire du ciel", claire métaphore de la lune, porte ici sa couleur comme marque même de cette présence brutale qui accuse la venue irrépressible de l'éclipse, ici perçue comme agression envers "le vieil astre de nos pères", ce soleil victime de la morsure sauvage de l'animal.
J'aurais aimé vous laisser découvrir ça par vous-même, mais voilà, je ne résiste pas à la tentation, de portez votre attention sur un phénomène délectable, surtout quand on le remarque par soi-même : comme souvent chez Perse, l'image (en tout cas son élément central) a déjà été utilisé antérieurement. Et il s'agit en l'occurrence de Vents, I, 5 :

"Femme odorante et seule avec la Nuit, comme jadis, sous la tuile de bronze,
Avec la lourde bête noire au front bouclé de fer, pour l’accointement du dieu"


L'image de la "lourde bête noire" (qui a été décryptée dans cette occurrence, comme une allusion détournée au mythe du Minotaure) avait donc été utilisée une première fois, avec encore cette même fonction d'expression de l'intensité : ici, indice sipplémentaire de la crudité de la scène dépeinte. Le noir donc, dans Chronique, symbolise à mes yeux la brutalité.

Le rouge
Le rouge y est quant à lui synonyme d'intensité existentielle, comme en atteste cette association à la figure de l' "étalon", au chant I :

"Et l’étalon rouge du soir hennit dans les calcaires."

Les insectes, parce qu'ils relèvent du jaillissement de la vie, du chatoiement lumineux de la nature, induisent aussi le vif du rouge, dans les chants I et III :

"Le grand arbre du ciel, comme un nopal, se vêt en Ouest de cochenilles rouges. " (chant I)

"Et les insectes rouges ponctués de noir s’accouplaient sur le sable des Îles." (chant III)

Le bleu
La couleur bleue correspond souvent quant à elle à une description émerveillée des charmes de la nature, et vous pouvez vérifier ce registre de l'émerveillement dans cette mention du chant III :

"nous entendions un soir tinter les premières gouttes de pluie tiède, parmi l’envol des rolliers bleus d’Afrique et la descente des grands vols du Nord qui font claquer l’ardoise d’un grand Lac."

Je ne sais pas si vous me suivre, mais je ressens dans ce passage, comme un regard de félicité et d'admiration pour cet envol, regard auquel
la couleur, il me semble, n'est pas étrangère.

Le vert
La couleur verte est très importante dans le prisme des couleurs chez Perse. Vous y avez été attentive, et vous avez dit ce qu'elle vous évoquait dans Chronique. Elle est mentionnée de manière exemplaire, à propos des "cantharides", dans la mention que j'ai citée plus haut, qui est en fait une véritable épiphanie des couleurs :

"Et sur la terre de latérite rouge où courent les cantharides vertes, nous entendions un soir tinter les premières gouttes de pluie tiède, parmi l’envol des rolliers bleus d’Afrique et la descente des grands vols du Nord qui font claquer l’ardoise d’un grand Lac."


Je décèle également dans les chants I et III une métaphorisation de la couleur du ciel, jouant à l'envi sur plusieurs variantes possibles qui désignent des états différents du ciel, la visualisation fonctionnant dans ce cas dans sa pleine acception. Dans le chant I :

"nous avons vu le ciel en Ouest plus rouge et rose, du rose d’insectes des marais salants"

"Une seule et lente nuée claire, d’une torsion plus vive par le travers du ciel austral, courbe son ventre blanc de squale aux ailerons de gaze."

"Le grand arbre du ciel, comme un nopal, se vêt en Ouest de cochenilles rouges."

et par extension, "l'étalon rouge du soir", désignant le ciel par répéfence implicite.

Et dans le chant III, donc, il s'agit de "la louve noire du ciel", dont je vous ai déjà dit qu'elle a tendance à me mettre dans tous mes états...

Voilà les quelques considérations que je voulais vous proposer. Si vous souhaitez d'autres perspectives, n'hésitez pas...
Bien à vous, Loïc Céry
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alice

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MessageSujet: Merci   les couleurs EmptyLun 16 Oct - 15:05

Merci beaucoup pour votre réponse, M.Céry. Désolée d'avoir posé une question doublon, il faut que j'apprenne à mieux utiliser le site !
Je vais m'empresser de lire tout cela !
Alice
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Sjperse
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Sjperse


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MessageSujet: Re: les couleurs   les couleurs EmptyLun 16 Oct - 15:14

Cela prouve en tout cas que cette question des couleurs est bien prégnante !
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alice

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MessageSujet: Re: les couleurs   les couleurs EmptyLun 16 Oct - 16:11

Je viens de lire attentivement la discussion que j'avais donc ratée, au sujet des couleurs et du paysage.Merci pour tous ces éclairages !
Si j'ai bien compris, ds Chonique, on pourrait considérer que le paysage (en particulier le ciel) serait un marqueur, une trace concrète et sensible du Temps ?
Deuxième petite question : Toujours ds Chronique, on trouve de très nombreuses références aux tissus : "déploiements d'étoffes" les "plis droits de la terre", la terre "tissant sa laine"...Peut-on y lire une métaphore du texte : l' espace comme un texte à déchiffrer ?
On trouve aussi des expressions comme "la terre tatouée de rouge" et la "terre sigillée" ds Vents : peut-on parler d'un espace palimpseste que le poète tente de déchiffrer ?
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